J’ai vu 53 films au cinéma cette année et j’ai décerné 5 étoiles (« à ne pas manquer ») à 4 d’entre eux. Quatre films français qui ont comme point commun qu’ils sont fort en émotions, d’une grande humanité et interprétés par des actrices et acteurs remarquables. Juste derrière ce quatuor, six films choisis parmi les 15 à qui j’ai décerné 4 étoiles (« chaudement recommandé ») pour compléter mon « top 10 ».
Léo et Rémi ont 13 ans. Ils sont inséparables. Et puis, survient la rentrée scolaire. Là, les choses se gâtent avec le regard des autres qui interroge la nature profonde de leur relation. Sont-ils en couple ? Si pour Rémi cette question n’est pas de nature à remettre en cause sa relation symbiotique avec Léo, il en est tout autrement pour ce dernier qui met de la distance avec Rémi qui le vit de plus en plus mal. On n’en dira pas plus si ce n’est que la mère de Rémi occupe une place prépondérante dans le film.
Grand Prix du Festival de Cannes 2022, on se demande comment il n’a pas eu la Palme d’Or, « Close » fait partie du cercle restreint des films dont on se souvient longtemps tant il est fort en émotions. Porté par ses deux formidables jeunes acteurs éclatant de sincérité, eux-mêmes fort bien entourés par leur deux « mères » Emilie Dequenne et Léa Drucker, le film touche en plein cœur pratiquement de la première à la dernière minute. La remarquable mise en scène de Lukas Dhont (réalisateur du déjà très bon « Girl »), la caméra qui filme à hauteur des garçons, les gros plans, l’utilisation de la lumière et la finesse d’un scénario qui évite le piège du pathos font de « Close » un film bouleversant.
A la Police Judiciaire (PJ), chaque enquêteur tombe forcément un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre puisque 20% des 800 homicides annuels en France restent non élucidés. Et parfois jusqu’à l’obsession. C’est ce qui arrive à Yohan avec l'assassinat sordide de la jeune Clara. Les suspects ne manquent pourtant pas, mais les preuves manquent.
« La Nuit du 12 » est adapté d’un livre de Pauline Guéna paru en 2021, et plus précisément d’une trentaine de pages, sur 500, qui relate l’enquête du film. L’autrice a passé une année en immersion dans les services de la PJ. Le quotidien professionnel de ces enquêteurs, surtout des hommes, et la manière dont il peut influencer leur vie privée est remarquablement mis en scène par Dominik Moll. On s’attache très vite aux personnages d’une grande humanité, et tout particulièrement à Yohan et Marceau formidablement interprétés par Bastien Bouillon et Bouli Lanners. Ce polar qui questionne la masculinité, dénonce les violences faites aux femmes et privilégie les rapports humains est captivant bien au-delà de son intrigue.
Johnny, 10 ans, est le cadet d’une fratrie de trois enfants élevés par leur mère vendeuse de cigarettes dans une cité HLM en Lorraine. Il est intelligent et fait preuve d’une grande sensibilité. Sa rencontre avec son nouvel enseignant, qui croit au potentiel de cet élève particulier, va lui ouvrir un champ des possibles insoupçonné jusqu’alors et lui permettre de s’affirmer dans son identité sociale et personnelle.
L’éveil sexuel d’un garçon de 10 ans, qui plus est à l’égard d’un adulte, est un sujet délicat à tourner. A ce titre, ce film d’apprentissage est traité avec une grande finesse et une sensibilité qui ne laissent aucune place à l’ambiguïté. Porté par une distribution de grande qualité, le jeune Aliocha Reinert est époustouflant, Antoine Reinartz (l’instituteur) et la débutante Mélissa Olexa (la mère) ne sont pas en reste, « Petite nature » touche en plein cœur, à l’image de sa scène finale d’une folle intensité.
Shauna et Pierre se sont furtivement croisés quinze auparavant : elle était au chevet de son amie atteinte d’un cancer, lui son oncologue. Le hasard va à nouveau les réunir, mais cette fois-ci d’une manière qui va leur permettre de faire mieux connaissance jusqu’à tomber amoureux l’un de l’autre. Rien d‘exceptionnel, à la différence près que Shauna a 70 ans et Pierre 45. Il est de plus marié, père de deux enfants et ne cache pas à sa femme qu’il entretient une relation avec Shauna.
Si le film n’est pas parfait, il y a des (petites) longueurs et quelques scènes connexes, notamment celles avec les enfants de Pierre qui n’apportent pas grand-chose à l’histoire, il n’en demeure pas moins qu’il faut absolument le voir parce qu’il a LA qualité qui fait toute la magie du cinéma : l’émotion. Porté par une Fanny Ardant éblouissante et un Melvil Poupaud bouleversant, on n’oubliera pas d’y associer les seconds rôles, dont Cécile de France, également remarquables, « Les jeunes amants » fait preuve de justesse, de tendresse et de délicatesse jusqu’à l’ultime plan. Un beau film.
Avec quelques alliés de confiance, Batman s’est imposé comme un justicier solitaire à même de venger ses concitoyens. Lorsqu’un tueur sadique s’en prend à l’élite corrompue de la ville en lui laissant à chaque meurtre un message qui s’apparente à un jeu de pistes, Batman n’a pas d’autres choix que d’enquêter dans le milieu de la pègre et de tenter de rétablir la justice mise à mal à Gotham City.
Cette neuvième adaptation cinématographique du super-héros sans pouvoirs particuliers séduit par son côté sombre, souligné par une musique mélancolique, au sens propre et figuré : l’action se passe de nuit, au crépuscule et à l’aube et la pluie est omniprésente. Quant à Batman, il porte sur ses épaules son passé tragique et mérite son qualificatif de chevalier noir. Porté par une excellente distribution et une histoire qui, à l’exception d’une dernière demi-heure trop longue et moralisatrice, captive durant les trois heures que dure le film, « The Batman » s’inscrit dans la veine de l’excellent « Jocker » de 2019.
Elise, 26 ans, est une danseuse classique reconnue. Lorsqu’elle se blesse gravement au cours d’un spectacle, sa carrière est mise entre parenthèses, peut-être de manière définitive, et sa vie bouleversée. Elle va devoir apprendre à se réparer, au sens propre et figuré, et s’ouvrir à de nouvelles expériences qui vont la conduire à découvrir une autre façon de vivre.
Passionné de danse depuis toujours, Cédric Klapisch met en scène avec virtuosité la danse classique et la danse contemporaine et leur complémentarité fort bien incarnée par le personnage d’Elise. Si l’on peut reprocher au film un scénario un peu trop convenu, il n’en demeure pas moins que « En Corps », joli jeu de mots avec « encore », dégage une grande humanité. Il est également au bénéfice d’une formidable distribution, la danseuse Marion Barbeau donnant le change à des actrices et acteurs reconnus tels que Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil et Denis Podalydès. Optimiste, drôle, sensible, émouvant, bienveillant, et virevoltant, le film fait chaud au cœur et bien évidemment au corps.
A 36 ans, Amin, réfugié afghan homosexuel, accepte de raconter son histoire. Allongé les yeux clos face au cinéaste, son ami depuis près de vingt ans, il replonge dans son passé, de son enfance heureuse à Kaboul dans les années 80 à son traumatisme de la fuite de sa famille pendant la guerre civile, avant l’arrivée au pouvoir des talibans. Après des années de clandestinité en Russie, Amin arrive seul au Danemark. Au fil de son récit, le passé enfoui au plus profond de sa mémoire remonte à la surface avec une grande émotion.
« Flee » est un documentaire d'animation qui mêlent des images en couleurs lorsque les souvenirs sont précis et monochromes lorsqu'ils se font flous. Des archives de journaux télévisés entrecoupent aussi le récit pour rappeler qu’il s’ancre dans la réalité. Le film a été nommé trois fois aux Oscars 2022 et a reçu plus de 80 prix à travers le monde ! Un tel succès s’explique par le fait que le réalisateur « n’a pas cherché à faire un film politique : il voulait raconter l’histoire d’un ami, le récit universel de quelqu’un qui cherche sa place. Mais sa perspective a évolué, tant son récit donnait un visage humain à une expérience vécue par des millions de gens. » Un film puissant, délicat et profondément humain.
Tom et son épouse ont vécu un drame lorsqu’ils étaient jeunes mariés. Pour tenter de l’oublier, ils ont quitté le sud de l’Angleterre, où ils avaient vécu leur jeunesse, pour aller vivre tout au nord de l’Ecosse. Veuf depuis peu de temps et à présent nonagénaire, Tom décide de renouer avec son passé et d’entreprendre un très long voyage risqué en bus vers ses origines alors que ses forces déclinent de jour en jour. Pas de quoi toutefois l’arrêter pour atteindre son objectif ultime quand bien même son périple va se révéler plein d’obstacles et faire de lui un héros des réseaux sociaux, où quand les mondes ancien et moderne se rejoignent…
On s’attache dès le début à ce vieil homme borné mais plein d’humanité qui n’hésite pas, malgré sa vulnérabilité due à son grand âge, à défendre ses valeurs. Porté par un Timothy Spall épatant, il vaut la peine d’embarquer dans « The last bus » qui traverse de superbes paysages, réserve bien des rebondissements et donne beaucoup d’émotions.
La vie de Louise, la quarantaine, infirmière, manque de sel. Jusqu’au jour où, victime d’une attaque de panique, elle n’arrive plus à sortir de sa voiture. Cette situation, déjà embarrassante en elle-même, se complique lorsque Paul, jeune homme paumé qui veut venger la mort de son frère, vole la voiture de Louise et, du coup, la kidnappe. Les voilà embarqués, malgré eux, dans un road-movie qui va leur réserver bien des surprises.
« En roue libre » est un film déjanté, qui flirte parfois avec l’absurde, mais qui tient la route de bout en bout. A vrai dire, c’est le plus souvent épatant grâce à deux comédiens formidables (Marina Foïs et Benjamin Voisin qui confirme son talent découvert dans « Illusions perdues »), des personnages secondaires hauts en couleur (l’autostoppeuse, le psy, les gens du voyage) qui évitent à l’intrique de tourner en rond et une réalisation qui tire le maximum de ce qui s’apparente à un huis-clos routier. Une très bonne surprise dans le paysage trop souvent lassant de la comédie française !
Alors qu’elle rentre chez elle à moto, Mia est contrainte de se réfugier dans une brasserie en raison d’une pluie diluvienne. Peu de temps après son arrivée, des terroristes font irruption dans le restaurant et tirent sur tout ce qui bouge. Cachée sous une table, elle en réchappe miraculeusement. Après s’être éloignée trois mois chez sa mère, Mia revient à Paris. Elle ne se souvient plus de rien. Elle décide alors de retourner sur les lieux du drame. Grâce à la rencontre d’autres rescapés, à son obstination et son courage, elle va, non sans mal et avec quelques surprises à la clé, reconstituer le fil des événements.
Avec un tel sujet, « Revoir Paris » aurait pu facilement tomber dans le sensationnalisme. Il n’en est absolument rien, à l’image de l’attaque terroriste qui ne fait pas dans la surenchère. Elle permet toutefois de comprendre ce que vit Mia à ce moment-là et pourquoi il est si difficile de se reconstruire quand on a vécu quelque chose d’aussi traumatisant. Si Mia est au centre de l’intrigue, le film décrit également avec justesse d’autres personnages impactés directement ou indirectement, dont le compagnon de Mia, par cette tragédie. Subtil, sensible, profondément humain, « Revoir Paris », porté par Virginie Efira une fois de plus impeccable, est un très beau film sur la résilience.
Et les autres « 4 étoiles » par ordre alphabétique :
« A plein temps », « Annie Colère », « Bros », « Grosse Freiheit », « La revanche des crevettes pailletées », « Les Amandiers », « Leo Grande », « Presque » et « Top Gun : Maverik ».