5 étoiles. « En fanfare ». Thibault est un chef d’orchestre de renommée mondiale qui voyage à travers le monde jusqu’au jour où la maladie le rattrape. Une greffe de moëlle d’un membre de sa famille pourrait le sauver. C’est dans ces circonstances que Thibault apprend qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy, qui est employé dans une cantine scolaire. En apparence, tout les sépare, sauf l’amour de la musique puisque Jimmy joue du trombone dans une fanfare. Cette passion commune sera-t-elle toutefois suffisante pour rapprocher deux frères qui ont un connu un destin si différent depuis l’enfance ?
Réalisateur du déjà excellent « Un triomphe » en 2021, qui n’a pas connu le succès qu’il méritait en raison de la désertion des salles suite au Covid, Emmanuel Courcol récidive avec « En fanfare ». Son dernier long-métrage mélange à nouveau avec bonheur la comédie (on rit souvent de bon cœur), les émotions (les yeux sont parfois embués) et un choc des cultures que ce soit sur le plan sociétal ou musical. Porté par un formidable duo d’acteurs (Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin) qui donne toute sa crédibilité à cette histoire de fraternité contrariée et par un récit rythmé qui va à l’essentiel en évitant de trop tirer sur la corde sensible.
5 étoiles. « L’Histoire de Souleymane ». Souleymane pédale clandestinement, et en étant exploité, dans les rues de Paris pour livrer des repas. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demandeur d’asile. S’il est reconnu comme tel, alors il pourra obtenir les papiers qui lui permettront de séjourner en France et d’y travailler légalement. Pour mettre toutes les chances de son côté, il prépare cette entrevue en tentant d’apprendre par cœur, et avec difficulté, une histoire qui n’est pas la sienne.
Porté par un acteur non-professionnel (comme presque toute la distribution) dont la performance exceptionnelle lui a valu un prix d’interprétation à Cannes, le film suit, caméra à l’épaule et dans un rythme haletant qui épouse les folles courses à vélo des livreurs, le destin de Souleymane qui va se jouer dans 48 heures. Ces deux jours et deux nuits qui précèdent cette échéance sont un condensé de ce que vit Souleymane au quotidien dans un Paris où la misère des uns exploite celle des autres. C’est saisissant, au plus près de la réalité, sans sensiblerie et profondément humain. La dernière scène est terriblement bouleversante. Il y a des films qui vous laissent KO à la fin de leur projection et « L’Histoire de Souleymane » appartient à cette catégorie.
5 étoiles. « Le roman de Jim ». Au milieu des années 90, Aymeric au parcours jusque-là plutôt chaotique, rencontre par hasard son ancienne collègue Florence enceinte de six mois. Ils commencent à se fréquenter et quand Jim nait, Aymeric est à ses côtés. Il l’est encore quand sept ans plus tard le père biologique de Jim fait sa réapparition bouleversant l’équilibre familial et questionnant le rôle des uns et des autres dans la vie du petit garçon.
Adapté du roman éponyme de Pierric Bailly, le film des frères Larrieu est d’une grande beauté, et pas seulement parce que les paysages du Jura dans lequel il se déroule sont magnifiques. « Le roman de Jim » est, en effet, également beau par la délicatesse qui s’en dégage de la première à la dernière minute (superbe scène finale). Chaque personnage touche (qu’aurait-on fait à leur place ?) avec une mention particulière pour le rôle d’Aymeric formidablement endossé par Karim Leklou, désarmant de naturel et d’une tendresse à faire fondre n’importe qui. « Le roman de Jim » est un film bouleversant, mais pas plombant pour autant, qui explore avec une grande justesse une relation père-fils qui va bien au-delà des liens du sang.
4 étoiles. « Un ours dans le Jura ». Michel et Cathy vivent chichement dans une ferme du Jura. Les soucis du quotidien et l’usure du temps les ont inexorablement éloignés l’un de l’autre. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture parquée sur le bas-côté. Un effet domino va entrainer la mort de ses deux occupants et la découverte de 2 millions dans le coffre. De quoi donner envie à Michel et Cathy de se reparler et d’échafauder des plans rocambolesques pour tirer parti de cette situation pour le moins inattendue.
Le troisième film de Franck Dubosc mélange les genres (intrigue policière, comédie et romance), ce qui peut s’avérer périlleux. Force est de constater que le réalisateur s’en tire avec les honneurs. A l’image de ses trois interprètes principaux (Franck Dubosc, Laure Calamy et Benoît Poelvoorde) qui jouent dans le registre de la retenue, le film fait, en effet, preuve de subtilité en évitant, à quelques exceptions près, les gros gags bien lourds. Son scénario tient en haleine du début à la fin grâce à de nombreux rebondissements. Quant à son humour noir et grinçant, il devient de plus en plus jubilatoire au fur et à mesure que les personnages s’enfoncent dans les ennuis pour finalement mieux rebondir. Une bonne surprise.
4 étoiles. « Leurs enfants après eux ». Eté 1992. Un endroit perdu dans l’Est de la France, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus. Anthony, 14 ans, s’ennuie ferme avec son cousin. Ils décident d’aller se baigner dans un lac tout proche. C’est là qu’Anthony rencontre Stéphanie. Il a un coup de foudre pour elle. A tel point qu’il emprunte secrètement la moto de son père, à laquelle ce dernier tient comme à la prunelle de ses yeux, pour se rendre à une fête où il espère la retrouver. A la fin de la soirée, au moment de rentrer chez lui, Anthony découvre que la moto a disparu. Sa vie bascule.
Adapté du roman éponyme de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018, « Les enfants après eux » racontent l’histoire d’Anthony au cours de quatre étés (1992, 1994, 1996, et 1998) qui le verront passer de l’adolescence à l’âge adulte avec comme fil rouge son histoire d’amour avec Stéphanie, la relation avec son père ou encore ses démêlés avec Hacine. Le film donne moins d’importance que le livre à l’aspect sociologique. Il privilégie le côté romanesque, dans le bon sens du terme, et le récit d’apprentissage en s’appuyant sur son excellente distribution en général et la performance de Paul Kircher en particulier (révélé en 2023 dans le « Le règne animal ») qui est juste et bouleversant de la première à la dernière minute.
4 étoiles. « Heretic ». Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado abordent dans la rue ou chez eux des habitants dans l’espoir de les convertir. Un jour, elles frappent à la porte d’une maison isolée. Elles sont accueillies à bras ouverts par le charmant M. Reed. Mais très vite les deux jeunes femmes se rendent compte que l’amabilité de leur hôte n’est qu’une façade et qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est en effet un véritable labyrinthe et, pour tenter s’en sortir, il leur faudra se montrer plus ingénieuse que le maître des lieux.
Thriller aux allures de film d’horreur dans sa seconde partie, « Heretic » est particulièrement réussi dans son premier acte qui instaure au fil des minutes une ambiance oppressante grâce principalement à d’excellents dialogues qui mettent en exergue la personnalité diabolique de M. Reed. Ce dernier est remarquablement interprété par un Hugh Grant qui joue tout d’abord au séducteur, un rôle qu’il connaît bien, avant de se révéler en dangereux psychopathe et d’en faire voir de toutes les couleurs, spécialement le rouge sang, à ses deux victimes. « Heretic » remplit donc avec mention les cases du film d’épouvante, même si l’on pourra regretter une fin qui laisse sur sa faim.
3 étoiles. « Hiver à Sokcho ». Soo-Ha, jeune femme de 23 ans, travaille dans une petite pension à Sokcho, ville balnéaire de Corée du Sud, où elle fait le ménage et la cuisine. Sa vie, outre son occupation professionnelle, est rythmée par ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami. Mais l’arrivée d’un Français, Yan Kerrand auteur de bandes dessinées, va réveiller en elle des questions sur son identité en lien avec son père français dont elle ne sait presque rien et l’amener à se rapprocher de Yan Kerrand.
L’adaptation du roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin est réussie du point de vue de son esthétique et de son scénario. En effet, tout en respectant l’idée que l’on se fait de l’atmosphère qui règne à Sokcho en plein hiver au fil des pages, le film met opportunément l’accent sur la quête identitaire de Soo-Ha. Ce choix a comme conséquence, notamment, de développer avantageusement la relation mère-fille. Si le premier long-métrage de Koya Kamura souffre par moment d’une lenteur excessive, il n’en demeure pas moins que la grande tendresse qu’il témoigne à l’égard de ses personnages emporte l’adhésion.
3 étoiles. « Vingt Dieux ». Totone, 18 ans, passe la plupart de son temps à boire des bières et à traîner avec ses potes. L’exploitation agricole et sa petite sœur de 7 ans, c’est le souci de son père, en aucun cas le sien. Jusqu’au jour où un drame l’oblige à se comporter en grand frère et à trouver une solution pour gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région afin de remporter le concours qui lui rapporterait 30 000 euros. Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons.
La réalisatrice, Louise Courvoisier, dont c’est le premier long-métrage, s’est inspirée des gens qui l’ont entourée dans sa jeunesse dans le Jura pour écrire son scénario. Tourné avec des comédiens qui sont tous des non-professionnels criant de vérité, ce qui donne au film un côté par moment maladroit mais non dénué de charme, « Vingt Dieux » porte un regard bienveillant sur une jeunesse qui se voit malgré elle confrontée à l’âge adulte. Ce conte paysan plein de bons sentiments se laisse voir avec un certain plaisir malgré ses invraisemblances et une fin frustrante.
4 étoiles. Juré n°2. Justin est désigné comme juré n°2 dans le procès d’un homme qui est accusé d’avoir tué sa petite amie. Quand l’accusation décrit les circonstances présumées du meurtre de la jeune femme, Justin découvre qu’il pourrait bien être à l’origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral entre se protéger ou dévoiler ce qu’il sait au risque de se retrouver à son tour dans le rôle de l’accusé.
Le 42ème et dernier film de Clint Eastwood, au sens propre et figuré, est une indéniable réussite grâce à un excellent scénario qui tient en haleine du début à la fin, une distribution convaincante et une mise en scène qui en allant droit au but renforce la tension qui petit à petit dévore ce jeune homme qui se trouve confronté une nouvelle fois à lui-même après avoir surmonté un passé compliqué. Mais au-delà de ce cas individuel et de la question que l’on se pose inévitablement en visionnant le film « qu’aurais-je fait à sa place ? », c’est la justice dans son ensemble que « Juré n°2 » interroge avec ses a priori, que ce soit au niveau des professionnels ou du jury qui est composé d’hommes et de femmes dont le parcours personnel influence forcément leur jugement.
3 étoiles. « Conclave ». Suite au décès inattendu du pape, ses appartements sont scellés comme pour une scène de crime, les cardinaux du monde entier sont convoqués au Vatican pour désigner le nouveau souverain pontife. C’est le cardinal Lawrence qui est en charge d’assurer le bon déroulement de cette élection. Mais sa tache va s’avérer plus complexe qu’attendue en raison de manœuvres pas très…catholiques entre les principaux prétendants et de l’apparition surprise d’un cardinal nommé par feu le pape qui pourrait bien rebrasser toutes les cartes.
Adapté du roman éponyme de Robert Harris, l’action se déroule en huis clos dans les décors magnifiques du Vatican, entièrement reconstitués en studio. Ce superbe écrin, auquel on ajoutera les costumes, est à la hauteur de ce qui se joue au cours de cette élection où tous les coups sont permis entre les tenants d’une ligne libérale de l’Eglise et les conservateurs. Et sans oublier les ambitions personnelles dévorantes de certains. Porté par d’excellents acteurs, ce « Conclave » prend les allures d’un thriller par moment haletant même si la répétition des rebondissements, parfois bien peu crédibles, finit par lasser.
3 étoiles. « Sauvages ». A Bornéo, en bordure de la forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan, baptisé Oshi, après que sa mère ait été tué par des ouvriers qui coupaient des arbres. Au même moment, Selaï, son jeune cousin, vient habiter chez elle et son père afin de ne pas subir les conséquences du conflit entre sa famille qui vit dans la forêt et la compagnie qui cherche à la détruire. Suite à un concours de circonstances Kéria, Sélaï et Oshi vont affronter, en bravant de nombreux dangers, ceux qui veulent anéantir la forêt de leurs ancêtres.
Après le succès de « Ma vie de Courgette », le réalisateur suisse Claude Barras redonne vie à ses créatures en pâte à modeler avec un conte écologique fort bien réussi sur la forme à l’image, par exemple, de l’expression des yeux du singe Oshi qui ferait fondre un bloc de glace ! Le fond est par contre un peu moins enthousiasmant en raison d’une première partie qui peine à décoller et d’un scénario un peu trop prévisible qui cible avant tout le jeune public. Ceci étant dit, la magie opère tout de même dans l’ensemble grâce à certaines scènes qui peuvent se révéler drôles, sensibles, politiques ou encore émouvantes.
2 étoiles. « Monsieur Aznavour », comme son titre l’indique, raconte l’histoire du célèbre artiste de son enfance de fils de réfugiés élevé dans la pauvreté jusqu’à ce qu’il accède à la reconnaissance nationale et internationale dans les années 70. Mais pour y parvenir, le « petit » Charles va devoir affronter bien des obstacles et faire des choix dans sa vie privée qui ne seront pas sans conséquences pour son proche entourage.
D’une facture très classique, le film suit de manière linéaire le parcours du chanteur (il n’est fait aucune mention de sa carrière d’acteur) en passant en revue des étapes importantes de sa vie. Il donne l’image d’un homme talentueux, obsédé par la réussite, les biens matériels et qui met tout en œuvre pour y parvenir. Cette approche rend, dans la seconde partie, le personnage plutôt antipathique : on suit ses pérégrinations avec distance et peu d’émotion malgré l’excellente performance de Tahar Rahim, le plaisir de croiser des artistes qui appartiennent à la culture française tels qu’Edith Piaf, Gilbert Bécaud ou encore Johnny Hallyday et celui, bien évidemment, d’entendre certaines des chansons les plus connues de Charles Aznavour.
2 étoiles. « L’amour ouf ». Jackie et Clotaire vivent dans le nord de la France dans les années 80. Elle est une brillante étudiante qui vit seule avec son père, sa mère étant décédée. Il est issu d’une famille d’ouvriers et a beaucoup de peine à respecter les règles malgré les corrections qu’il reçoit de son paternel. Il passe ses journées à traîner et multiplie avec son frère et son meilleur ami les larcins. Mais quand les destins de Jackie et Clotaire se croisent, c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer, mais l’amour n’est-il pas plus fort que tout ?
Les deux points forts de « L’amour ouf » sont sa bande originale et ses interprètes. A ce titre, le couple formé de Clotaire (Malik Frikah jeune et François Civil adulte) et Jackie (Mallory Wanecque jeune et Adèle Exarchopoulos adulte) crève l’écran. Sans eux et quelques excellents seconds rôles (Alain Chabat, Vincent Lacoste et Elodie Bouchez, notamment), le film serait proche de la mièvrerie malgré des scènes violentes et d’autres touchantes en raison d’un scénario qui en rajoute sans cesse et tire par conséquent en longueur (2h40 !). Il en est de même avec la façon de filmer de Gilles Lellouche qui en se voulant trop démonstrative finit par lasser. En résumé, pas ouf.
2 étoiles. « Emilia Perez ». Rita est une avocate douée. Elle travaille au service d’un cabinet qui non seulement ne reconnaît pas ses qualités, mais qui en plus défend des criminels plutôt que de servir la justice. Mais un jour, le chef d’un dangereux cartel fait appel à elle afin qu’elle l’aide à se retirer des affaires et à disparaître afin qu’il puisse réaliser le rêve qu’il caresse depuis des années : devenir une femme.
Prix du jury au Festival de Cannes 2024, Prix d’interprétation féminine remis aux quatre comédiennes principales du film et encensé par une large partie de la critique, « Emilia Perez » est un film déroutant aussi bien du point de vue de sa forme que de son fond. En effet, l’histoire est régulièrement entrecoupée de scènes de comédie musicale clinquantes et plus ou moins réussies (si les chorégraphies sont globalement splendides, certaines voix laissent à désirer) qui accentuent le côté bien peu réaliste du scénario. On a vraiment peine à croire que ce très méchant chef de cartel devienne tout à coup suite à sa transition un ange, ou presque. Pour apprécier le film, au demeurant d’une grande maîtrise technique et fort bien joué, mieux vaut donc croire aux contes de fées qui ne finissent toutefois pas forcément bien.
5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter