5 étoiles. « En fanfare ». Thibault est un chef d’orchestre de renommée mondiale qui voyage à travers le monde jusqu’au jour où la maladie le rattrape. Une greffe de moëlle d’un membre de sa famille pourrait le sauver. C’est dans ces circonstances que Thibault apprend qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy, qui est employé dans une cantine scolaire. En apparence, tout les sépare, sauf l’amour de la musique puisque Jimmy joue du trombone dans une fanfare. Cette passion commune sera-t-elle toutefois suffisante pour rapprocher deux frères qui ont un connu un destin si différent depuis l’enfance ?
Réalisateur du déjà excellent « Un triomphe » en 2021, qui n’a pas connu le succès qu’il méritait en raison de la désertion des salles suite au Covid, Emmanuel Courcol récidive avec « En fanfare ». Son dernier long-métrage mélange à nouveau avec bonheur la comédie (on rit souvent de bon cœur), les émotions (les yeux sont parfois embués) et un choc des cultures que ce soit sur le plan sociétal ou musical. Porté par un formidable duo d’acteurs (Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin) qui donne toute sa crédibilité à cette histoire de fraternité contrariée et par un récit rythmé qui va à l’essentiel en évitant de trop tirer sur la corde sensible, le film permet de finir l’année cinématographique 2024… « En fanfare » !
4 étoiles. « Heretic ». Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado abordent dans la rue ou chez eux des habitants dans l’espoir de les convertir. Un jour, elles frappent à la porte d’une maison isolée. Elles sont accueillies à bras ouverts par le charmant M. Reed. Mais très vite les deux jeunes femmes se rendent compte que l’amabilité de leur hôte n’est qu’une façade et qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est en effet un véritable labyrinthe et, pour tenter s’en sortir, il leur faudra se montrer plus ingénieuse que le maître des lieux.
Thriller aux allures de film d’horreur dans sa seconde partie, « Heretic » est particulièrement réussi dans son premier acte qui instaure au fil des minutes une ambiance oppressante grâce principalement à d’excellents dialogues qui mettent en exergue la personnalité diabolique de M. Reed. Ce dernier est remarquablement interprété par un Hugh Grant qui joue tout d’abord au séducteur, un rôle qu’il connaît bien, avant de se révéler en dangereux psychopathe et d’en faire voir de toutes les couleurs, spécialement le rouge sang, à ses deux victimes. « Heretic » remplit donc avec mention les cases du film d’épouvante, même si l’on pourra regretter une fin qui laisse sur sa faim.
3 étoiles. « Conclave ». Suite au décès inattendu du pape, ses appartements sont scellés comme pour une scène de crime, les cardinaux du monde entier sont convoqués au Vatican pour désigner le nouveau souverain pontife. C’est le cardinal Lawrence qui est en charge d’assurer le bon déroulement de cette élection. Mais sa tache va s’avérer plus complexe qu’attendue en raison de manœuvres pas très…catholiques entre les principaux prétendants et de l’apparition surprise d’un cardinal nommé par feu le pape qui pourrait bien rebrasser toutes les cartes.
Adapté du roman éponyme de Robert Harris, l’action se déroule en huis clos dans les décors magnifiques du Vatican, entièrement reconstitués en studio. Ce superbe écrin, auquel on ajoutera les costumes, est à la hauteur de ce qui se joue au cours de cette élection où tous les coups sont permis entre les tenants d’une ligne libérale de l’Eglise et les conservateurs. Et sans oublier les ambitions personnelles dévorantes de certains. Porté par d’excellents acteurs, ce « Conclave » prend les allures d’un thriller par moment haletant même si la répétition des rebondissements, parfois bien peu crédibles, finit par lasser.
Toujours à l’affiche
5 étoiles. « L’Histoire de Souleymane ». Souleymane pédale clandestinement, et en étant exploité, dans les rues de Paris pour livrer des repas. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demandeur d’asile. S’il est reconnu comme tel, alors il pourra obtenir les papiers qui lui permettront de séjourner en France et d’y travailler légalement. Pour mettre toutes les chances de son côté, il prépare cette entrevue en tentant d’apprendre par cœur, et avec difficulté, une histoire qui n’est pas la sienne.
Porté par un acteur non-professionnel (comme presque toute la distribution) dont la performance exceptionnelle lui a valu un prix d’interprétation à Cannes, le film suit, caméra à l’épaule et dans un rythme haletant qui épouse les folles courses à vélo des livreurs, le destin de Souleymane qui va se jouer dans 48 heures. Ces deux jours et deux nuits qui précèdent cette échéance sont un condensé de ce que vit Souleymane au quotidien dans un Paris où la misère des uns exploite celle des autres. C’est saisissant, au plus près de la réalité, sans sensiblerie et profondément humain. La dernière scène est terriblement bouleversante. Il y a des films qui vous laissent KO à la fin de leur projection et « L’Histoire de Souleymane » appartient à cette catégorie.
5 étoiles. « Les Graines du figuier sauvage ». Pour Iman, sa promotion en tant que juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran est l’aboutissement de 20 ans de carrière au service du régime. Il va enfin pouvoir améliorer le train de vie de sa femme et de ses deux filles, l’une adolescente, l’autre majeure. Mais à peine nommé, un immense mouvement de protestation secoue le pays. Dépassé par l’ampleur des événements, la justice devient expéditive au grand damne d’Iman qui décide malgré tout de s’y conformer. Chez lui, la révolution gronde également rendant Iman de plus en plus méfiant à l’égard de sa femme et de ses filles.
Prix spécial du Jura au Festival de Cannes 2024, « Les Graines du figuier sauvage » mérite amplement cette récompense. Le film transpose de manière brillante, avec un seul (petit) bémol sur sa longueur (2h45), les affres du régime iranien au sein d’une famille confrontée à un mari et à un père qui se sentant menacé va reproduire auprès des siens les méthodes utilisées par la dictature auquel il s’est soumis. Film hautement politique, incrusté de courtes séquences tournées avec des portables au moment des manifestations du mouvement « Femme, vie, liberté » à l’automne 2022, « Les Graines du figuier sauvage » entraîne l’audience dans une spirale infernale avec une dernière heure où la tension est à son comble grâce à une mise en scène formidablement anxiogène et une distribution parfaite.
4 étoiles. Juré n°2. Justin est désigné comme juré n°2 dans le procès d’un homme qui est accusé d’avoir tué sa petite amie. Quand l’accusation décrit les circonstances présumées du meurtre de la jeune femme, Justin découvre qu’il pourrait bien être à l’origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral entre se protéger ou dévoiler ce qu’il sait au risque de se retrouver à son tour dans le rôle de l’accusé.
Le 42ème et dernier film de Clint Eastwood, au sens propre et figuré, est une indéniable réussite grâce à un excellent scénario qui tient en haleine du début à la fin, une distribution convaincante et une mise en scène qui en allant droit au but renforce la tension qui petit à petit dévore ce jeune homme qui se trouve confronté une nouvelle fois à lui-même après avoir surmonté un passé compliqué. Mais au-delà de ce cas individuel et de la question que l’on se pose inévitablement en visionnant le film « qu’aurais-je fait à sa place ? », c’est la justice dans son ensemble que « Juré n°2 » interroge avec ses a priori, que ce soit au niveau des professionnels ou du jury qui est composé d’hommes et de femmes dont le parcours personnel influence forcément leur jugement.
4 étoiles. « Le Comte de Monte-Cristo ». Marseille. 1815. Victime d’un complot dont la jalousie est le moteur, Edmond Dantès, 22 ans, est arrêté le jour de son mariage. Il est détenu dans d’horribles conditions au château d’If. Pendant son incarcération, il fait la connaissance de l’abbé Faria qui va lui révéler un secret qui lui permettra de devenir immensément riche après son évasion 14 ans plus tard. Sous l’identité du Comte de Monte-Cristo, il va alors patiemment élaborer un plan pour se venger des trois hommes qui l’ont trahi.
Cette nouvelle adaptation du célèbre roman d’Alexandre Dumas ne lésine pas sur les moyens puisque le budget se monte à 43 millions d’euros. Et ça se voit : les décors, la plupart naturels, les costumes, le maquillage et la photographie sont un régal pour l’œil. Quant à la distribution, elle est excellente. Pierre Niney, particulièrement convaincant quand il endosse le rôle du Comte de Monte-Cristo, est entouré d’acteurs et d’actrices qui n’ont rien à lui envier. Quant au film en lui-même, on peut lui reprocher un manque d’émotions tant la machine est bien huilée. Mais pas de quoi bouter son plaisir. En effet, le long-métrage, c’est le cas de le dire mais les trois heures passent très vite grâce à de multiples rebondissements, met fort bien en valeur le génie romanesque d’Alexandre Dumas.
3 étoiles. « Sauvages ». A Bornéo, en bordure de la forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan, baptisé Oshi, après que sa mère ait été tué par des ouvriers qui coupaient des arbres. Au même moment, Selaï, son jeune cousin, vient habiter chez elle et son père afin de ne pas subir les conséquences du conflit entre sa famille qui vit dans la forêt et la compagnie qui cherche à la détruire. Suite à un concours de circonstances Kéria, Sélaï et Oshi vont affronter, en bravant de nombreux dangers, ceux qui veulent anéantir la forêt de leurs ancêtres.
Après le succès de « Ma vie de Courgette », le réalisateur suisse Claude Barras redonne vie à ses créatures en pâte à modeler avec un conte écologique fort bien réussi sur la forme à l’image, par exemple, de l’expression des yeux du singe Oshi qui ferait fondre un bloc de glace ! Le fond est par contre un peu moins enthousiasmant en raison d’une première partie qui peine à décoller et d’un scénario un peu trop prévisible qui cible avant tout le jeune public. Ceci étant dit, la magie opère tout de même dans l’ensemble grâce à certaines scènes qui peuvent se révéler drôles, sensibles, politiques ou encore émouvantes.
2 étoiles. « Monsieur Aznavour », comme son titre l’indique, raconte l’histoire du célèbre artiste de son enfance de fils de réfugiés élevé dans la pauvreté jusqu’à ce qu’il accède à la reconnaissance nationale et internationale dans les années 70. Mais pour y parvenir, le « petit » Charles va devoir affronter bien des obstacles et faire des choix dans sa vie privée qui ne seront pas sans conséquences pour son proche entourage.
D’une facture très classique, le film suit de manière linéaire le parcours du chanteur (il n’est fait aucune mention de sa carrière d’acteur) en passant en revue des étapes importantes de sa vie. Il donne l’image d’un homme talentueux, obsédé par la réussite, les biens matériels et qui met tout en œuvre pour y parvenir. Cette approche rend, dans la seconde partie, le personnage plutôt antipathique : on suit ses pérégrinations avec distance et peu d’émotion malgré l’excellente performance de Tahar Rahim, le plaisir de croiser des artistes qui appartiennent à la culture française tels qu’Edith Piaf, Gilbert Bécaud ou encore Johnny Hallyday et celui, bien évidemment, d’entendre certaines des chansons les plus connues de Charles Aznavour.
2 étoiles. « L’amour ouf ». Jackie et Clotaire vivent dans le nord de la France dans les années 80. Elle est une brillante étudiante qui vit seule avec son père, sa mère étant décédée. Il est issu d’une famille d’ouvriers et a beaucoup de peine à respecter les règles malgré les corrections qu’il reçoit de son paternel. Il passe ses journées à traîner et multiplie avec son frère et son meilleur ami les larcins. Mais quand les destins de Jackie et Clotaire se croisent, c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer, mais l’amour n’est-il pas plus fort que tout ?
Les deux points forts de « L’amour ouf » sont sa bande originale et ses interprètes. A ce titre, le couple formé de Clotaire (Malik Frikah jeune et François Civil adulte) et Jackie (Mallory Wanecque jeune et Adèle Exarchopoulos adulte) crève l’écran. Sans eux et quelques excellents seconds rôles (Alain Chabat, Vincent Lacoste et Elodie Bouchez, notamment), le film serait proche de la mièvrerie malgré des scènes violentes et d’autres touchantes en raison d’un scénario qui en rajoute sans cesse et tire par conséquent en longueur (2h40 !). Il en est de même avec la façon de filmer de Gilles Lellouche qui en se voulant trop démonstrative finit par lasser. En résumé, pas ouf.
2 étoiles. « Emilia Perez ». Rita est une avocate douée. Elle travaille au service d’un cabinet qui non seulement ne reconnaît pas ses qualités, mais qui en plus défend des criminels plutôt que de servir la justice. Mais un jour, le chef d’un dangereux cartel fait appel à elle afin qu’elle l’aide à se retirer des affaires et à disparaître afin qu’il puisse réaliser le rêve qu’il caresse depuis des années : devenir une femme.
Prix du jury au Festival de Cannes 2024, Prix d’interprétation féminine remis aux quatre comédiennes principales du film et encensé par une large partie de la critique, « Emilia Perez » est un film déroutant aussi bien du point de vue de sa forme que de son fond. En effet, l’histoire est régulièrement entrecoupée de scènes de comédie musicale clinquantes et plus ou moins réussies (si les chorégraphies sont globalement splendides, certaines voix laissent à désirer) qui accentuent le côté bien peu réaliste du scénario. On a vraiment peine à croire que ce très méchant chef de cartel devienne tout à coup suite à sa transition un ange, ou presque. Pour apprécier le film, au demeurant d’une grande maîtrise technique et fort bien joué, mieux vaut donc croire aux contes de fées qui ne finissent toutefois pas forcément bien.
5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter