4 étoiles. « Rien à perdre ». Sylvie élève seule ses deux enfants, Sofiane, une dizaine d’années, et Jean-Jacques, un adolescent proche de l’âge adulte. Elle travaille le soir dans un bar. Une nuit, Sofiane se brûle en voulant se faire des frites alors qu’il est seul dans l’appartement. Suite à cet accident, les services sociaux sont alertés et décident de placer Sofiane en foyer, le temps de mener l’enquête. Ne comprenant pas cette décision, Sylvie se lance dans un combat judiciaire pour récupérer son fils.
Avec « Rien à perdre, la réalisatrice Delphine Deloget, dont c’est le premier film, voulait filmer ce qui reste d’une famille quand tout explose et raconter comment cette même famille apprend, dans la douleur, à vivre les uns sans les autres. Et on ajoutera, comment elle n’y arrive pas, à l’image d’une fin, bien que fort peu vraisemblable, qui ne laisse d’autre choix aux protagonistes que de trouver une solution qui n’en est pas vraiment une pour ne pas sombrer totalement. Porté par une Virginie Efira une nouvelle fois formidable, et fort bien entourée par d’excellents seconds rôles, ce drame social prend aux tripes. En évitant une vision manichéenne, il interroge sur le sujet hautement délicat du « faut-il retirer la garde ou non » à des parents apparemment défaillants et les conséquences qui peuvent aller avec. Bouleversant.
4 étoiles. « L’Enlèvement ». Bologne, 1858. Dans le quartier juif, les soldats du Pape viennent prendre Edgardo, sept ans, fils de Momolo et Marianna Mortara. Ils en ont reçu l’ordre parce qu’il aurait été baptisé en secret par sa nourrice quand il était bébé. Et selon la loi pontificale, il doit recevoir une éducation catholique. Choqués par cet enlèvement, les parents d’Edgardo vont se lancer dans un long combat pour le récupérer. Il prend des allures politiques à une période où le pouvoir du Pape est vacillant. Quant à Edgardo, il n’a pas d’autre choix que de se soumettre à cette instruction religieuse qui n’est pas le sienne.
Pour Marco Bellochio, le réalisateur, « l’enlèvement du petit Edgardo symbolise la volonté désespérée, ultraviolente, d’un pouvoir déclinant qui essaye de résister à son propre effondrement, en contrattaquant. » Adaptation d’une histoire vraie, « L’Enlèvement » est à la fois un drame, une fresque historique, un thriller judiciaire et un pamphlet contre les puissants. Le film est passionnant du début à la fin, malgré quelques petites longueurs, et formellement magnifique grâce à sa photographie, ses décors, ses costumes et sa mise en scène. La distribution n’est pas en reste avec, notamment, un Edgardo enfant joué par Enea Sala, charismatique. Du cinéma de grande qualité.
4 étoiles. « Une année difficile ». Albert et Bruno ont un point commun : ils sont surendettés en raison de leur incapacité à réfréner leur besoin compulsif d’acheter. Alors qu’ils tentent d’intégrer un programme qui pourrait les aider à effacer tout ou en parie leurs dettes, ils rencontrent par hasard un groupe d’activistes écologistes. Plus attirés par les chips et les bières gratuites, et en ce qui concerne Albert également par une militante, que par leurs arguments, ils vont intégrer sans conviction le mouvement.
« Une année difficile » est un film qui selon les deux réalisateurs Eric Toledano et Oilvier Nakache (« Intouchables », « Le sens de la fête », « Hors normes », « En thérapie », entre autres) « relient deux sujets, le surendettement et l’écologie, qui en apparence n’ont pas grand-chose à voir, et pourtant, les appartements vides peuvent porter plusieurs histoires, la récente visite d’huissiers ou une volonté de dénuement, de minimalisme et de décroissance. » Et force est de constater que la mayonnaise prend fort bien entre ces deux thèmes grâce à un scénario efficace, malgré parfois quelques ficelles un peu grosses, une distribution impeccable, sa drôlerie qui côtoie l’aspect grave des sujets abordés et son rythme qui ne baisse pas du début (formidable scène d’introduction) à la fin.
3 étoiles. « L’Abbé Pierre ». Comme son titre l’indique, le film raconte la vie de celui qui fut une icône du vingtième siècle en France, et même au-delà, et dont le souvenir est encore marquant plus de quinze ans après sa mort. Pour incarner un personnage aussi emblématique, il fallait un comédien à la hauteur. Et tel est bien le cas avec Benjamin Lavernhe qui est totalement crédible dans le rôle sur une septantaine d’années grâce à l’évolution de sa posture, de sa voix et au maquillage impressionnant. Mais malgré son acteur principal, le film ne convainc pas totalement.
En effet, le long-métrage hésite entre image public du prêtre, telle une vedette du show business, et intime, notamment les relations avec son assistante (remarquable Emmanuelle Bercot) ou celles avec les compagnons d’Emmaüs. On peut également regretter des ellipses importantes dans le récit qui donne une impression de « best of » de la vie de l’Abbé Pierre. Le film aurait sans doute gagné en intensité en se focalisant plus particulièrement sur la situation des sans-abris, y compris de nos jours, comme la fin le laisse entrevoir. Ceci dit, le parcours de l’Abbé Pierre est édifiant à bien des égards et mérite d’être (re)découvert
2 étoiles. « La Petite ». Le fils de Joseph et son compagnon attendaient un enfant via une mère porteuse en Belgique. Suite à leur décès dans un accident d’avion, Joseph s’inquiète de l’avenir de l’enfant et se demande s’il n’en est pas le grand-père légitime, son fils étant le donneur. Il se met alors en tête de retrouver la mère porteuse, dont il ne sait absolument rien. Son enquête le conduira à Gand où il va faire la connaissance d’une jeune femme qui ne va pas le recevoir comme il aurait pu l’espérer.
Cantonné le plus souvent à des rôles d’hyperactifs excités, Fabrice Lucchini change de registre dans « La Petite ». Comme il le dit lui-même « il n’avait jamais joué un personnage qui soit à ce point-là dans le rien. Joseph est un type vidé de tout, qui part d’un univers très sombre et qui, paradoxalement, et de manière presque prophétique, sent peu à peu qu’il va vers la vie. » Sa performance, toute en retenue et à laquelle on associera celle de la jeune actrice belge Mara Taquin, est incontestablement la grande réussite d’un film au scénario certes touchant, mais prévisible et qui aurait mérité un traitement plus en profondeur de la problématique de la gestation pour autrui (GPA).
Toujours à l’affiche
4 étoiles. « Anatomie d’une chute ». Sandra, Samuel et leur fils Daniel, garçon de 11 ans malvoyant suite à un accident, vivent depuis deux ans à la montagne, loin de tout. Alors qu'il revient d'une promenade avec son chien guide, Daniel trouve le corps de son père, immobile dans la neige. Tout semble indiquer qu’il est tombé de la fenêtre du grenier, cette chute ayant entraîné sa mort. Mais l’autopsie laisse la place au doute. Accident ? Suicide ? Homicide ? En l'absence de témoin, la justice se penche sur la vie du couple pour tenter de découvrir ce qui s’est passé ce jour-là.
Palme d’Or du dernier Festival de Cannes, « Anatomie d’une chute » a de nombreuses qualités : son scénario, sa mise en scène, sa direction d’acteur et le talent de sa distribution parmi laquelle on notera la performance exceptionnelle de Sandra Hüller. Elle incarne avec un rare brio cette femme qu’il est difficile de cerner renforçant ainsi le doute qui plane sur les circonstances de la mort de son mari. A ses côtés, le jeune Milo Machado Graner fait également des étincelles avec, notamment, une scène d’anthologie au cours du procès. Si l’on peut reprocher au film une longueur excessive (2h30) et une certaine froideur, qui s’explique toutefois par l’approche très réaliste voulue par la réalisatrice qui décortique la défaite d’un couple, il n’en demeure pas moins que « Anatomie d’une chute » est un film brillant.
3 étoiles. « The Old Oak ». Propriétaire du « Old Oak », un pub situé dans une petite ville autrefois minière du nord de l’Angleterre, TJ Ballantyne sert chaque jour les mêmes clients désœuvrés qui viennent s’y retrouver pour passer le temps. L’arrivée de réfugiés syriens va créer de fortes tensions, ce qui ne va toutefois pas empêcher TJ de tisser des liens d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de réunir autochtones et étrangers autour d’un projet de cantine pour les plus démunis et ainsi redonner vie à la communauté locale.
Fidèle à ses principes, un cinéma socialement engagé et profondément humain, Ken Loach, 87 ans, met en scène deux communautés en difficulté au sein desquelles émergent des personnages qui vont être capables de créer des ponts entre elles malgré les obstacles. Si l’on peut reprocher à « The Old Oak » un scénario trop prévisible, un manque de nuance entre les « gentils » et les « méchants » et un usage exagéré de la corde sensible, il n’en demeure pas moins que l’espoir et l’optimisme qui s’en dégagent font du bien.
3 étoiles. « Second Tour ». Journaliste politique rétrogradée à la rubrique football en raison de sa manière peu orthodoxe de couvrir l’actualité, Mlle Pove, suite à un concours de circonstances, est sollicitée par la direction de sa chaine pour suivre l’entre-deux tours de la campagne présidentielle. L’archifavori est Pierre-Henry Mercier, héritier d’une riche et puissante famille française, qui débute en politique. En suivant le candidat, Mlle Pove et son acolyte cameraman vont petit à petit découvrir que Pierre-Henry Mercier est un personnage bien plus complexe qu’il en a l’air.
Fable politique rocambolesque, « Second tour » est parfois drôle et même émouvant, mais également irritant en raison de sa vision manichéenne sur le pouvoir. Un peu plus de nuances dans le message idéaliste (naïf ?) que délivre le film n’aurait pas été de trop. Ceci étant dit, les nombreux rebondissements, bien que peu crédibles, qui donnent au long-métrage un rythme soutenu de bout en bout, des dialogues bien écrits et une distribution qui joue bien son rôle « second degré » font que l’on passe au final un bon moment avec la dernière réalisation d’Albert Dupontel.
3 étoiles. « Coup de chance ». Fanny est mariée avec Jean, un homme riche, et ils filent, en apparence du moins, le parfait amour. Mais lorsque Fanny rencontre, par hasard, Alain, un ancien camarade de lycée devenu écrivain et qui lui avoue qu'il a toujours été amoureux d'elle, ses certitudes sur sa vie de couple vont être remises en question. Et Jean va finir par s’en rendre compte et dévoiler petit à petit une personnalité qui contraste avec celle qu’il donne en public.
« Coup de chance » démarre comme un vaudeville, puis prend des allures de thriller avant de se terminer en comédie policière. Malgré un propos léger, le film tient en haleine, après un démarrage en douceur, grâce à ce qu’il faut de rebondissements, un second degré parfois jouissif et par un trio d’acteurs (Lou de Laâge, Melvil Poupaud et Valérie Lemercier) très convaincant. On notera également que la photographie est magnifique, un régal pour l’œil. Le cinquantième long métrage de Woody Allen, et son premier tourné en français, n’est certes pas un chef d’œuvre, mais il permet de passer un moment agréable.
3 étoiles. « Bernadette ». Quand Bernadette Chirac devient la Première dame de France en 1995, elle pense qu’elle aura enfin la reconnaissance qu’elle mérite après avoir toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président de la République. Mais jugée trop ringarde, elle est au contraire mise sur la touche. Bernadette ne va toutefois pas se laisser faire et trouver petit à petit sa place jusqu’à devenir une figure médiatique incontournable.
Bien que le film soit inspiré de faits réels et publics, il n’en demeure pas moins que c’est une fiction. La réalisatrice, Léa Domenach, a choisi de raconter le parcours « présidentiel », soit entre 1995 et 2007, de Bernadette Chirac à travers une comédie satirique qui se moque avec bienveillance de ce monde politique français au masculin en mettant en valeur une Première dame irrévérencieuse, maline, décalée, drôle ou encore excellente tacticienne. Portée par une Catherine Deneuve formidable et des seconds rôles qui jouent fort bien le côté caricatural de leur personnage, « Bernadette » se laisse voir avec un plaisir certain.
2 étoiles. « Oppenheimer ». En 1942, persuadés que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les USA décident, secrètement, de mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Robert Oppenheimer, brillant physicien, est responsable de ce projet. Avec son équipe de scientifiques, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, il va réussir à fabriquer cette arme qui sera utilisée à Hiroshima et Nagasaki le 6 août 1945.
A lire ce synopsis, on pourrait penser que « Oppenheimer » est un film qui raconte le processus qui a amené à la fabrication de la bombe atomique. S’il en est bien évidemment question, le long-métrage, qui porte bien son nom avec ses 3 heures, est également très politique puisqu’on a reproché ensuite à celui qui était devenu un héros national d’être proche du parti communiste dans une Amérique qui avait développé un fort sentiment anticommuniste dans le contexte de la guerre froide. Ces deux approches scientifique et politique, une en couleur et l’autre en noir et blanc, se mêlent les unes aux autres dans une première partie confuse avec ses nombreux flashbacks et ses personnages qui donnent le tournis tant il y en a. Et ils parlent beaucoup, beaucoup trop. Il faut donc s’accrocher pour ne pas être largué malgré l’excellent jeu des acteurs et une musique (trop) omniprésente qui empêche tout juste de s’endormir. Heureusement, la seconde partie est plus digeste grâce à des scènes spectaculaires et au conflit intérieur fort bien mis en scène du personnage principal. Il n’en demeure pas moins que la fin, très politique, est interminable. Qui trop embrasse, mal étreint.
5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter