4 étoiles. « L’attachement ». Sandra est célibataire et revendique son indépendance. Elle va toutefois se retrouver, suite à un concours de circonstances dramatiques, plongée dans l’intimité de son voisin de palier et de ses deux enfants. Contre toute attente, elle va s’attacher petit à petit à cette famille d’adoption et aux autres personnes qui gravitent autour.
Carine Tardieu, réalisatrice de l’excellent « Les jeunes amants » avec Fanny Ardant et Melvil Poupaud, met magnifiquement en scène tous ses personnages qui cherchent leur juste place au sein de cette famille pour le moins atypique. Elle peut s’appuyer sur une excellente distribution qui joue sa partition douceur et retenue, ce qui est à souligner de la part de Valeria Bruni-Tedeschi, Pio Marmaï ou encore Raphaël Quenard d’habitude bien plus expansifs. « L’attachement » appartient à cette catégorie de films qui touchent droit au cœur grâce à la palette des sentiments qui s’en dégagent : c’est à la fois drôle, bouleversant et surtout d’une infinie tendresse. En un mot : attachant !
2 étoiles. « Queer ». Dans le Mexico des années 50, Lee, un américain, mène une vie désabusée au sein d’une communauté d’expatriés où l’alcool, la drogue et le sexe occupent une place importante. Mais l’arrivée du jeune Allerton va redonner du sens à la vie de Lee et l’amener à explorer des contrées géographiques et sensorielles inconnues jusque-là.
Adapté d’un roman de William S. Burroughs, le film de Luca Guadagnino (« Call me by your name ») est une réussite du point de vue de son esthétisme et de l’ambiance qui s’en dégage entre humour, mélancolie, onirisme, désespoir, désir ou encore addiction. On peut également relever la performance de Daniel Craig qui casse son image de James Bond avec ce personnage torturé à la recherche de lui-même. Mais si cette quête existentielle est plutôt convaincante sur la forme, elle l’est moins sur le fond. « Queer » se perd en effet régulièrement dans ses méandres hallucinogènes au détriment de son intrigue, qui n’est déjà pas très épaisse, et s’étire en longueur. Le film manque également d’émotion, même si elle n’est pas totalement absente. C’est notamment le cas lors de la scène dans la forêt où les deux hommes vivent un trip que les effets spéciaux rendent fascinant. En résumé, un film dont le potentiel aurait pu être mieux exploité.
2 étoiles. « Maria ». Paris 1977. La célèbre cantatrice Maria Callas vit recluse dans son appartement, lassée par la gloire qu’elle a connue et terrifiée à l’idée de perdre sa voix.
Le film de Pablo Larrain se concentre principalement sur les deniers jours de la vie de Maria Callas, ce qui n’empêche pas le recours régulier à des flashbacks pour mieux comprendre dans quel état d’esprit la cantatrice se trouve juste avant sa mort. Le réalisateur a, en effet, voulu « raconter les difficultés d’une personne qui perd l’élément qui non seulement la rendait célèbre, mais aussi l’histoire d’une femme connue du monde entier qui tente de comprendre sa propre identité. »
Le film est formellement impeccable, ce qui a toutefois comme conséquence de lui donner un côté froid, et quelque peu sinistre, qui suscite l’ennui dans sa première partie. Heureusement, la deuxième heure est bien plus captivante. Elle laisse la place à l’émotion grâce non seulement à Angelina Jolie, qui incarne avec justesse les fêlures de la diva, mais également à Pierfrancesco Favino (le majordome) et Alba Rohrwacher (la cuisinière) qui accompagnent leur patronne, au caractère bien trempé, avec une grande tendresse et humanité jusqu’à ses derniers instants.
Toujours à l’affiche
5 étoiles. « 5 septembre ». 1972. Les Jeux olympiques de Munich sont les premiers à être retransmis en direct dans le monde entier. Le 5 septembre, des coups de feu résonnent à proximité des studios d’ABC. Il s’avère que des athlètes et des entraîneurs israéliens sont pris en otage. L’équipe de télévision américaine interrompt la diffusion des joutes sportives pour couvrir cet événement sous la direction d’un jeune et ambitieux producteur qui va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
« 5 septembre » est bien plus qu’une reconstitution historique de cet événement tragique des Jeux olympiques de 1972. Le film raconte en effet la prise d’otage du côté de ceux qui vont la montrer en direct, une première à l’époque, et qui sera suivie par 900 millions de téléspectateurs dans le monde. Si l’atrocité est en arrière-plan dans le long-métrage, elle est toutefois omniprésente en raison des décisions que la production va prendre pendant le direct et qui ne manquent pas de questionner : où est la limite entre le devoir d’informer et le désir de sensationnel ? Ce huis clos intelligent et haletant de bout en bout plonge le spectateur dans le studio de télévision comme s’il y était grâce à une mise en scène virtuose qui ne laisse aucun répit. Brillant.
5 étoiles. « En fanfare ». Thibault est un chef d’orchestre de renommée mondiale qui voyage à travers le monde jusqu’au jour où la maladie le rattrape. Une greffe de moëlle d’un membre de sa famille pourrait le sauver. C’est dans ces circonstances que Thibault apprend qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy, qui est employé dans une cantine scolaire. En apparence, tout les sépare, sauf l’amour de la musique puisque Jimmy joue du trombone dans une fanfare. Cette passion commune sera-t-elle toutefois suffisante pour rapprocher deux frères qui ont un connu un destin si différent depuis l’enfance ?
Réalisateur du déjà excellent « Un triomphe » en 2021, qui n’a pas connu le succès qu’il méritait en raison de la désertion des salles suite au Covid, Emmanuel Courcol récidive avec « En fanfare ». Son dernier long-métrage mélange à nouveau avec bonheur la comédie (on rit souvent de bon cœur), les émotions (les yeux sont parfois embués) et un choc des cultures que ce soit sur le plan sociétal ou musical. Porté par un formidable duo d’acteurs (Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin) qui donne toute sa crédibilité à cette histoire de fraternité contrariée et par un récit rythmé qui va à l’essentiel en évitant de trop tirer sur la corde sensible.
4 étoiles. « Jouer avec le feu ». Pierre élève seul ses deux fils âgés de 20 et 22 ans. Alors que Louis, le cadet, est un étudiant qui avance aisément dans la vie, Fus, l’aîné, se cherche. Il part petit à petit à la dérive en se rapprochant de groupes d’extrême droite. Pierre, conscient que Fus file un très mauvais coton, n’arrive toutefois pas, malgré ses tentatives, à dissuader son fils de fréquenter ces hommes qui mettent la violence au cœur de leurs actions. Peu à peu, l’amour paternel cède la place à l’incompréhension.
Les deux réalisatrices, Delphine et Muriel Coulin, se sont inspirées du roman de Laurent Petitmangin « Ce qu’il faut de nuit » pour leur film, car le livre pose une question sur laquelle elles avaient envie de travailler : « l’amour est-il forcément inconditionnel ? Si tu commettais le pire, pourrais-je continuer à t’aimer ? » « Jouer avec le feu », dont le titre est on ne peut plus parlant, est un film coup de poing, au sens parfois propre et figuré, avec une dernière partie où l’émotion est à son comble. Portés par trois acteurs formidables, Vincent Lindon, Benjamin Voisin et Stefan Crepon, et malgré quelques petites longueurs, « Jouer avec le feu » prend aux tripes grâce à son scénario où l’amour et la tendresse côtoient la haine et la violence sans que l’on sache d’avance qui va l’emporter.
3 étoiles. « La pie voleuse ». Maria est auxiliaire de vie. Elle soutient avec une grande dévotion plusieurs personnes âgées dans leur quotidien. Ses fins de mois sont difficiles, et ce d’autant plus que son mari dilapide régulièrement sa modeste pension en jouant. Elle vient également en aide à son petit-fils en lui louant un piano, ses parents n’en ayant pas les moyens. Mais Maria non plus. Elle vole dès lors régulièrement quelques euros à ses clients et fait des faux chèques. Jusqu’au jour où une plainte est déposée contre elle…
Le 24ème long-métrage de Robert Guédiguian réunit une nouvelle fois sa troupe d’actrices et d’acteurs dans un Marseille solaire qui met en lumière les inégalités sociales personnifiées par Maria qui se démène pour améliorer son quotidien, quitte à enfreindre la loi avec une certaine naïveté et beaucoup de bonté. Oscillant habilement et avec légèreté entre polar et fable sociale, « La pie voleuse » se laisse voir avec plaisir grâce sa distribution, Ariane Ascaride en tête, ses rebondissements, même s’ils sont parfois peu crédibles, ses personnages attachants et son côté immoral, mais généreux.
3 étoiles. « Hiver à Sokcho ». Soo-Ha, jeune femme de 23 ans, travaille dans une petite pension à Sokcho, ville balnéaire de Corée du Sud, où elle fait le ménage et la cuisine. Sa vie, outre son occupation professionnelle, est rythmée par ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami. Mais l’arrivée d’un Français, Yan Kerrand auteur de bandes dessinées, va réveiller en elle des questions sur son identité en lien avec son père français dont elle ne sait presque rien et l’amener à se rapprocher de Yan Kerrand.
L’adaptation du roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin est réussie du point de vue de son esthétique et de son scénario. En effet, tout en respectant l’idée que l’on se fait de l’atmosphère qui règne à Sokcho en plein hiver au fil des pages, le film met opportunément l’accent sur la quête identitaire de Soo-Ha. Ce choix a comme conséquence, notamment, de développer avantageusement la relation mère-fille. Si le premier long-métrage de Koya Kamura souffre par moment d’une lenteur excessive, il n’en demeure pas moins que la grande tendresse qu’il témoigne à l’égard de ses personnages emporte l’adhésion.
3 étoiles. « Conclave ». Suite au décès inattendu du pape, ses appartements sont scellés comme pour une scène de crime, les cardinaux du monde entier sont convoqués au Vatican pour désigner le nouveau souverain pontife. C’est le cardinal Lawrence qui est en charge d’assurer le bon déroulement de cette élection. Mais sa tache va s’avérer plus complexe qu’attendue en raison de manœuvres pas très…catholiques entre les principaux prétendants et de l’apparition surprise d’un cardinal nommé par feu le pape qui pourrait bien rebrasser toutes les cartes.
Adapté du roman éponyme de Robert Harris, l’action se déroule en huis clos dans les décors magnifiques du Vatican, entièrement reconstitués en studio. Ce superbe écrin, auquel on ajoutera les costumes, est à la hauteur de ce qui se joue au cours de cette élection où tous les coups sont permis entre les tenants d’une ligne libérale de l’Eglise et les conservateurs. Et sans oublier les ambitions personnelles dévorantes de certains. Porté par d’excellents acteurs, ce « Conclave » prend les allures d’un thriller par moment haletant même si la répétition des rebondissements, parfois bien peu crédibles, finit par lasser.
2 étoiles. « La Chambre d’à côté ». Ingrid et Matha sont des amies de longue date qui se sont toutefois petit à petit perdues de vue jusqu’au jour où une connaissance commune apprend à Martha qu’Ingrid lutte contre un cancer. Leurs chemins vont dès lors se recroiser et les amies se rapprocher, ce qui va pousser Ingrid à faire une demande à Martha loin d’être banale.
Premier long-métrage en langue anglaise de Pedro Almodovar, « La Chambre d’à côté » fait penser à un mélodrame puisque la mort est au cœur de son sujet. Toutefois, le réalisateur a tenu à éviter tout sentimentalisme, car il ne voulait pas tourner « un film lugubre ou gore. » C’est la raison pour laquelle il a souhaité que le film soit lumineux, à l’image des tableaux de Hopper, et qu’une bonne partie de l’action se passe dans la nature. L’objectif du réalisateur est atteint, avec comme conséquence que le film s’adresse beaucoup plus à l’esprit qu’au cœur : c’est bien écrit, bien qu’un brin pédant, et mis en scène, brillamment interprété par ses deux actrices principales, mais ça manque cruellement d’émotions. Un comble pour un film qui aborde un thème aussi sensible que l’euthanasie.
2 étoiles. « L’amour ouf ». Jackie et Clotaire vivent dans le nord de la France dans les années 80. Elle est une brillante étudiante qui vit seule avec son père, sa mère étant décédée. Il est issu d’une famille d’ouvriers et a beaucoup de peine à respecter les règles malgré les corrections qu’il reçoit de son paternel. Il passe ses journées à traîner et multiplie avec son frère et son meilleur ami les larcins. Mais quand les destins de Jackie et Clotaire se croisent, c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer, mais l’amour n’est-il pas plus fort que tout ?
Les deux points forts de « L’amour ouf » sont sa bande originale et ses interprètes. A ce titre, le couple formé de Clotaire (Malik Frikah jeune et François Civil adulte) et Jackie (Mallory Wanecque jeune et Adèle Exarchopoulos adulte) crève l’écran. Sans eux et quelques excellents seconds rôles (Alain Chabat, Vincent Lacoste et Elodie Bouchez, notamment), le film serait proche de la mièvrerie malgré des scènes violentes et d’autres touchantes en raison d’un scénario qui en rajoute sans cesse et tire par conséquent en longueur (2h40 !). Il en est de même avec la façon de filmer de Gilles Lellouche qui en se voulant trop démonstrative finit par lasser. En résumé, pas ouf.
2 étoiles. « Emilia Perez ». Rita est une avocate douée. Elle travaille au service d’un cabinet qui non seulement ne reconnaît pas ses qualités, mais qui en plus défend des criminels plutôt que de servir la justice. Mais un jour, le chef d’un dangereux cartel fait appel à elle afin qu’elle l’aide à se retirer des affaires et à disparaître afin qu’il puisse réaliser le rêve qu’il caresse depuis des années : devenir une femme.
Prix du jury au Festival de Cannes 2024, Prix d’interprétation féminine remis aux quatre comédiennes principales du film et encensé par une large partie de la critique, « Emilia Perez » est un film déroutant aussi bien du point de vue de sa forme que de son fond. En effet, l’histoire est régulièrement entrecoupée de scènes de comédie musicale clinquantes et plus ou moins réussies (si les chorégraphies sont globalement splendides, certaines voix laissent à désirer) qui accentuent le côté bien peu réaliste du scénario. On a vraiment peine à croire que ce très méchant chef de cartel devienne tout à coup suite à sa transition un ange, ou presque. Pour apprécier le film, au demeurant d’une grande maîtrise technique et fort bien joué, mieux vaut donc croire aux contes de fées qui ne finissent toutefois pas forcément bien.
1 étoile. « Babygirl ». Romy est une PDG à succès d’une grande entreprise à New-York. Elle est mariée depuis 19 ans, a deux filles épanouies et mène une vie très confortable. Mais un jour, elle fait la connaissance au sein de sa société d’un jeune stagiaire. L’attirance est si forte entre eux qu’ils entament une liaison dévorante qui va permettre à Romy de réaliser ses fantasmes enfouis au plus profond d’elle-même. Mais cette liaison risque également de mettre en danger sa carrière et sa vie familiale.
Si l’on excepte l’interprétation de Nicole Kidman qui excelle dans son rôle de patronne qui se laisse emporter par son désir et la bande originale (c’est tout dire), il n’y a pas grand-chose à sauver dans ce film. En effet, les scènes de sexe sont quelconques, la relation entre Romy et son amant se résume au cliché de la femme de pouvoir qui fantasme de se faire dominer par un homme bien plus jeune, mais sur lequel elle a par contre une emprise sur le plan professionnel, l’ennui n’est jamais bien loin et enfin l’épilogue entre Romy et son mari est tellement prévisible qu’il en devient ridicule. Très décevant.
5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter