5 étoiles. « 5 septembre ». 1972. Les Jeux olympiques de Munich sont les premiers à être retransmis en direct dans le monde entier. Le 5 septembre, des coups de feu résonnent à proximité des studios d’ABC. Il s’avère que des athlètes et des entraîneurs israéliens sont pris en otage. L’équipe de télévision américaine interrompt la diffusion des joutes sportives pour couvrir cet événement sous la direction d’un jeune et ambitieux producteur qui va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
« 5 septembre » est bien plus qu’une reconstitution historique de cet événement tragique des Jeux olympiques de 1972. Le film raconte en effet la prise d’otage du côté de ceux qui vont la montrer en direct, une première à l’époque, et qui sera suivie par 900 millions de téléspectateurs dans le monde. Si l’atrocité est en arrière-plan dans le long-métrage, elle est toutefois omniprésente en raison des décisions que la production va prendre pendant le direct et qui ne manquent pas de questionner : où est la limite entre le devoir d’informer et le désir de sensationnel ? Ce huis clos intelligent et haletant de bout en bout plonge le spectateur dans le studio de télévision comme s’il y était grâce à une mise en scène virtuose qui ne laisse aucun répit. Brillant.
4 étoiles. « Jouer avec le feu ». Pierre élève seul ses deux fils âgés de 20 et 22 ans. Alors que Louis, le cadet, est un étudiant qui avance aisément dans la vie, Fus, l’aîné, se cherche. Il part petit à petit à la dérive en se rapprochant de groupes d’extrême droite. Pierre, conscient que Fus file un très mauvais coton, n’arrive toutefois pas, malgré ses tentatives, à dissuader son fils de fréquenter ces hommes qui mettent la violence au cœur de leurs actions. Peu à peu, l’amour paternel cède la place à l’incompréhension.
Les deux réalisatrices, Delphine et Muriel Coulin, se sont inspirées du roman de Laurent Petitmangin « Ce qu’il faut de nuit » pour leur film, car le livre pose une question sur laquelle elles avaient envie de travailler : « l’amour est-il forcément inconditionnel ? Si tu commettais le pire, pourrais-je continuer à t’aimer ? » « Jouer avec le feu », dont le titre est on ne peut plus parlant, est un film coup de poing, au sens parfois propre et figuré, avec une dernière partie où l’émotion est à son comble. Portés par trois acteurs formidables, Vincent Lindon, Benjamin Voisin et Stefan Crepon, et malgré quelques petites longueurs, « Jouer avec le feu » prend aux tripes grâce à son scénario où l’amour et la tendresse côtoient la haine et la violence sans que l’on sache d’avance qui va l’emporter.
3 étoiles. « La pie voleuse ». Maria est auxiliaire de vie. Elle soutient avec une grande dévotion plusieurs personnes âgées dans leur quotidien. Ses fins de mois sont difficiles, et ce d’autant plus que son mari dilapide régulièrement sa modeste pension en jouant. Elle vient également en aide à son petit-fils en lui louant un piano, ses parents n’en ayant pas les moyens. Mais Maria non plus. Elle vole dès lors régulièrement quelques euros à ses clients et fait des faux chèques. Jusqu’au jour où une plainte est déposée contre elle…
Le 24ème long-métrage de Robert Guédiguian réunit une nouvelle fois sa troupe d’actrices et d’acteurs dans un Marseille solaire qui met en lumière les inégalités sociales personnifiées par Maria qui se démène pour améliorer son quotidien, quitte à enfreindre la loi avec une certaine naïveté et beaucoup de bonté. Oscillant habilement et avec légèreté entre polar et fable sociale, « La pie voleuse » se laisse voir avec plaisir grâce sa distribution, Ariane Ascaride en tête, ses rebondissements, même s’ils sont parfois peu crédibles, ses personnages attachants et son côté immoral, mais généreux.
Toujours à l’affiche
5 étoiles. « En fanfare ». Thibault est un chef d’orchestre de renommée mondiale qui voyage à travers le monde jusqu’au jour où la maladie le rattrape. Une greffe de moëlle d’un membre de sa famille pourrait le sauver. C’est dans ces circonstances que Thibault apprend qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy, qui est employé dans une cantine scolaire. En apparence, tout les sépare, sauf l’amour de la musique puisque Jimmy joue du trombone dans une fanfare. Cette passion commune sera-t-elle toutefois suffisante pour rapprocher deux frères qui ont un connu un destin si différent depuis l’enfance ?
Réalisateur du déjà excellent « Un triomphe » en 2021, qui n’a pas connu le succès qu’il méritait en raison de la désertion des salles suite au Covid, Emmanuel Courcol récidive avec « En fanfare ». Son dernier long-métrage mélange à nouveau avec bonheur la comédie (on rit souvent de bon cœur), les émotions (les yeux sont parfois embués) et un choc des cultures que ce soit sur le plan sociétal ou musical. Porté par un formidable duo d’acteurs (Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin) qui donne toute sa crédibilité à cette histoire de fraternité contrariée et par un récit rythmé qui va à l’essentiel en évitant de trop tirer sur la corde sensible.
4 étoiles. « Un ours dans le Jura ». Michel et Cathy vivent chichement dans une ferme du Jura. Les soucis du quotidien et l’usure du temps les ont inexorablement éloignés l’un de l’autre. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture parquée sur le bas-côté. Un effet domino va entrainer la mort de ses deux occupants et la découverte de 2 millions dans le coffre. De quoi donner envie à Michel et Cathy de se reparler et d’échafauder des plans rocambolesques pour tirer parti de cette situation pour le moins inattendue.
Le troisième film de Franck Dubosc mélange les genres (intrigue policière, comédie et romance), ce qui peut s’avérer périlleux. Force est de constater que le réalisateur s’en tire avec les honneurs. A l’image de ses trois interprètes principaux (Franck Dubosc, Laure Calamy et Benoît Poelvoorde) qui jouent dans le registre de la retenue, le film fait, en effet, preuve de subtilité en évitant, à quelques exceptions près, les gros gags bien lourds. Son scénario tient en haleine du début à la fin grâce à de nombreux rebondissements. Quant à son humour noir et grinçant, il devient de plus en plus jubilatoire au fur et à mesure que les personnages s’enfoncent dans les ennuis pour finalement mieux rebondir. Une bonne surprise.
3 étoiles. « Hiver à Sokcho ». Soo-Ha, jeune femme de 23 ans, travaille dans une petite pension à Sokcho, ville balnéaire de Corée du Sud, où elle fait le ménage et la cuisine. Sa vie, outre son occupation professionnelle, est rythmée par ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami. Mais l’arrivée d’un Français, Yan Kerrand auteur de bandes dessinées, va réveiller en elle des questions sur son identité en lien avec son père français dont elle ne sait presque rien et l’amener à se rapprocher de Yan Kerrand.
L’adaptation du roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin est réussie du point de vue de son esthétique et de son scénario. En effet, tout en respectant l’idée que l’on se fait de l’atmosphère qui règne à Sokcho en plein hiver au fil des pages, le film met opportunément l’accent sur la quête identitaire de Soo-Ha. Ce choix a comme conséquence, notamment, de développer avantageusement la relation mère-fille. Si le premier long-métrage de Koya Kamura souffre par moment d’une lenteur excessive, il n’en demeure pas moins que la grande tendresse qu’il témoigne à l’égard de ses personnages emporte l’adhésion.
3 étoiles. « Vingt Dieux ». Totone, 18 ans, passe la plupart de son temps à boire des bières et à traîner avec ses potes. L’exploitation agricole et sa petite sœur de 7 ans, c’est le souci de son père, en aucun cas le sien. Jusqu’au jour où un drame l’oblige à se comporter en grand frère et à trouver une solution pour gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région afin de remporter le concours qui lui rapporterait 30 000 euros. Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons.
La réalisatrice, Louise Courvoisier, dont c’est le premier long-métrage, s’est inspirée des gens qui l’ont entourée dans sa jeunesse dans le Jura pour écrire son scénario. Tourné avec des comédiens qui sont tous des non-professionnels criant de vérité, ce qui donne au film un côté par moment maladroit mais non dénué de charme, « Vingt Dieux » porte un regard bienveillant sur une jeunesse qui se voit malgré elle confrontée à l’âge adulte. Ce conte paysan plein de bons sentiments se laisse voir avec un certain plaisir malgré ses invraisemblances et une fin frustrante.
4 étoiles. Juré n°2. Justin est désigné comme juré n°2 dans le procès d’un homme qui est accusé d’avoir tué sa petite amie. Quand l’accusation décrit les circonstances présumées du meurtre de la jeune femme, Justin découvre qu’il pourrait bien être à l’origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral entre se protéger ou dévoiler ce qu’il sait au risque de se retrouver à son tour dans le rôle de l’accusé.
Le 42ème et dernier film de Clint Eastwood, au sens propre et figuré, est une indéniable réussite grâce à un excellent scénario qui tient en haleine du début à la fin, une distribution convaincante et une mise en scène qui en allant droit au but renforce la tension qui petit à petit dévore ce jeune homme qui se trouve confronté une nouvelle fois à lui-même après avoir surmonté un passé compliqué. Mais au-delà de ce cas individuel et de la question que l’on se pose inévitablement en visionnant le film « qu’aurais-je fait à sa place ? », c’est la justice dans son ensemble que « Juré n°2 » interroge avec ses a priori, que ce soit au niveau des professionnels ou du jury qui est composé d’hommes et de femmes dont le parcours personnel influence forcément leur jugement.
3 étoiles. « Conclave ». Suite au décès inattendu du pape, ses appartements sont scellés comme pour une scène de crime, les cardinaux du monde entier sont convoqués au Vatican pour désigner le nouveau souverain pontife. C’est le cardinal Lawrence qui est en charge d’assurer le bon déroulement de cette élection. Mais sa tache va s’avérer plus complexe qu’attendue en raison de manœuvres pas très…catholiques entre les principaux prétendants et de l’apparition surprise d’un cardinal nommé par feu le pape qui pourrait bien rebrasser toutes les cartes.
Adapté du roman éponyme de Robert Harris, l’action se déroule en huis clos dans les décors magnifiques du Vatican, entièrement reconstitués en studio. Ce superbe écrin, auquel on ajoutera les costumes, est à la hauteur de ce qui se joue au cours de cette élection où tous les coups sont permis entre les tenants d’une ligne libérale de l’Eglise et les conservateurs. Et sans oublier les ambitions personnelles dévorantes de certains. Porté par d’excellents acteurs, ce « Conclave » prend les allures d’un thriller par moment haletant même si la répétition des rebondissements, parfois bien peu crédibles, finit par lasser.
2 étoiles. « La Chambre d’à côté ». Ingrid et Matha sont des amies de longue date qui se sont toutefois petit à petit perdues de vue jusqu’au jour où une connaissance commune apprend à Martha qu’Ingrid lutte contre un cancer. Leurs chemins vont dès lors se recroiser et les amies se rapprocher, ce qui va pousser Ingrid à faire une demande à Martha loin d’être banale.
Premier long-métrage en langue anglaise de Pedro Almodovar, « La Chambre d’à côté » fait penser à un mélodrame puisque la mort est au cœur de son sujet. Toutefois, le réalisateur a tenu à éviter tout sentimentalisme, car il ne voulait pas tourner « un film lugubre ou gore. » C’est la raison pour laquelle il a souhaité que le film soit lumineux, à l’image des tableaux de Hopper, et qu’une bonne partie de l’action se passe dans la nature. L’objectif du réalisateur est atteint, avec comme conséquence que le film s’adresse beaucoup plus à l’esprit qu’au cœur : c’est bien écrit, bien qu’un brin pédant, et mis en scène, brillamment interprété par ses deux actrices principales, mais ça manque cruellement d’émotions. Un comble pour un film qui aborde un thème aussi sensible que l’euthanasie.
2 étoiles. « L’amour ouf ». Jackie et Clotaire vivent dans le nord de la France dans les années 80. Elle est une brillante étudiante qui vit seule avec son père, sa mère étant décédée. Il est issu d’une famille d’ouvriers et a beaucoup de peine à respecter les règles malgré les corrections qu’il reçoit de son paternel. Il passe ses journées à traîner et multiplie avec son frère et son meilleur ami les larcins. Mais quand les destins de Jackie et Clotaire se croisent, c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer, mais l’amour n’est-il pas plus fort que tout ?
Les deux points forts de « L’amour ouf » sont sa bande originale et ses interprètes. A ce titre, le couple formé de Clotaire (Malik Frikah jeune et François Civil adulte) et Jackie (Mallory Wanecque jeune et Adèle Exarchopoulos adulte) crève l’écran. Sans eux et quelques excellents seconds rôles (Alain Chabat, Vincent Lacoste et Elodie Bouchez, notamment), le film serait proche de la mièvrerie malgré des scènes violentes et d’autres touchantes en raison d’un scénario qui en rajoute sans cesse et tire par conséquent en longueur (2h40 !). Il en est de même avec la façon de filmer de Gilles Lellouche qui en se voulant trop démonstrative finit par lasser. En résumé, pas ouf.
2 étoiles. « Emilia Perez ». Rita est une avocate douée. Elle travaille au service d’un cabinet qui non seulement ne reconnaît pas ses qualités, mais qui en plus défend des criminels plutôt que de servir la justice. Mais un jour, le chef d’un dangereux cartel fait appel à elle afin qu’elle l’aide à se retirer des affaires et à disparaître afin qu’il puisse réaliser le rêve qu’il caresse depuis des années : devenir une femme.
Prix du jury au Festival de Cannes 2024, Prix d’interprétation féminine remis aux quatre comédiennes principales du film et encensé par une large partie de la critique, « Emilia Perez » est un film déroutant aussi bien du point de vue de sa forme que de son fond. En effet, l’histoire est régulièrement entrecoupée de scènes de comédie musicale clinquantes et plus ou moins réussies (si les chorégraphies sont globalement splendides, certaines voix laissent à désirer) qui accentuent le côté bien peu réaliste du scénario. On a vraiment peine à croire que ce très méchant chef de cartel devienne tout à coup suite à sa transition un ange, ou presque. Pour apprécier le film, au demeurant d’une grande maîtrise technique et fort bien joué, mieux vaut donc croire aux contes de fées qui ne finissent toutefois pas forcément bien.
1 étoile. « Babygirl ». Romy est une PDG à succès d’une grande entreprise à New-York. Elle est mariée depuis 19 ans, a deux filles épanouies et mène une vie très confortable. Mais un jour, elle fait la connaissance au sein de sa société d’un jeune stagiaire. L’attirance est si forte entre eux qu’ils entament une liaison dévorante qui va permettre à Romy de réaliser ses fantasmes enfouis au plus profond d’elle-même. Mais cette liaison risque également de mettre en danger sa carrière et sa vie familiale.
Si l’on excepte l’interprétation de Nicole Kidman qui excelle dans son rôle de patronne qui se laisse emporter par son désir et la bande originale (c’est tout dire), il n’y a pas grand-chose à sauver dans ce film. En effet, les scènes de sexe sont quelconques, la relation entre Romy et son amant se résume au cliché de la femme de pouvoir qui fantasme de se faire dominer par un homme bien plus jeune, mais sur lequel elle a par contre une emprise sur le plan professionnel, l’ennui n’est jamais bien loin et enfin l’épilogue entre Romy et son mari est tellement prévisible qu’il en devient ridicule. Très décevant.
5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter