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  • « Miséricorde », « All Shall Be Well » « Monsieur Aznavour » et 9 autres films à l’affiche

    Miséricorde.jpg5 étoiles. « Miséricorde ». Suite au décès de son ancien patron, Jérémie revient dans son village d’enfance pour l’enterrement. Au lieu de rentrer chez lui après la cérémonie, il s’installe chez Martine, la veuve. Il occupe la chambre de Vincent, le fils, avec lequel Jérémie a été autrefois ami et qui ne voit pas d’un très bon œil la présence de Jérémie : il est persuadé que celui-ci veut séduire sa mère. Les craintes de Vincent ajoutées à un voisin qui entretient une relation particulière avec Jérémie et un abbé aux intentions peu claires vont faire que le séjour du jeune homme va prendre une tournure inattendue.

    Comédie tragi-comique aux allures de thriller provençal, le dernier film d’Alain Guiraudie a comme moteur le désir au sens large. Il prend des formes différentes et surprenantes avec comme point commun la tension qui règne entre des personnages qui se tournent autour, se rapprochent, s’éloignent ou s’affrontent. Ce ballet est formidablement joué, mis en scène et photographié dans des magnifiques décors automnaux. Le film est par moment franchement jouissif lorsqu’il flirte avec la morale, les codes de la sexualité et le second degré. A la fois drôle, noir et provocateur, « Miséricorde » ravira les fans d’un cinéma qui sort des sentiers battus tout en gardant son ancrage dans une certaine réalité.

    All shall be well.jpg4 étoiles. « All Shall Be Well ». Angie et Pat vivent le parfait amour à Hong Kong depuis plus de trente ans. Elles ont un train de vie plutôt confortable et sont généreuses avec leurs proches. Leur couple est un pilier pour leur entourage familial et amical. Mais lorsque Pat décède subitement, Angie doit faire face à la famille de cette dernière, qui a le droit pour elle et des problèmes financiers, concernant les modalités de l’enterrement, puis de l’héritage.

    « All Shall Be Well » (« Tout ira bien » en français), titre aux accents ironiques, a reçu le Teddy Award du meilleur film de fiction à la Berlinale 2024. Filmant le plus souvent ses personnages de près et avec une certaine lenteur, ce qui les rend très touchants grâce aussi à l’excellente interprétation de celles et ceux qui les jouent, le réalisateur brosse avec une grande sensibilité non seulement cette confrontation entre la famille de la défunte et Angie qui pensait en faire partie intégrante, mais également le soutien que cette dernière reçoit de son « autre » famille : celle du cœur.  Et si finalement c’était celle-là la « vraie » famille ?

    Sauvages.jpg3 étoiles. « Sauvages ». A Bornéo, en bordure de la forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan, baptisé Oshi, après que sa mère ait été tué par des ouvriers qui coupaient des arbres. Au même moment, Selaï, son jeune cousin, vient habiter chez elle et son père afin de ne pas subir les conséquences du conflit entre sa famille qui vit dans la forêt et la compagnie qui cherche à la détruire. Suite à un concours de circonstances Kéria, Sélaï et Oshi vont affronter, en bravant de nombreux dangers, ceux qui veulent anéantir la forêt de leurs ancêtres.

    Après le succès de « Ma vie de Courgette », le réalisateur suisse Claude Barras redonne vie à ses créatures en pâte à modeler avec un conte écologique fort bien réussi sur la forme à l’image, par exemple, de l’expression des yeux du singe Oshi qui ferait fondre un bloc de glace ! Le fond est par contre un peu moins enthousiasmant en raison d’une première partie qui peine à décoller et d’un scénario un peu trop prévisible qui cible avant tout le jeune public. Ceci étant dit, la magie opère tout de même dans l’ensemble grâce à certaines scènes qui peuvent se révéler drôles, sensibles, politiques ou encore émouvantes.

    Monsieur Aznavour.jpg2 étoiles. « Monsieur Aznavour », comme son titre l’indique, raconte l’histoire du célèbre artiste de son enfance de fils de réfugiés élevé dans la pauvreté jusqu’à ce qu’il accède à la reconnaissance nationale et internationale dans les années 70. Mais pour y parvenir, le « petit » Charles va devoir affronter bien des obstacles et faire des choix dans sa vie privée qui ne seront pas sans conséquences pour son proche entourage.

    D’une facture très classique, le film suit de manière linéaire le parcours du chanteur (il n’est fait aucune mention de sa carrière d’acteur) en passant en revue des étapes importantes de sa vie. Il donne l’image d’un homme talentueux, obsédé par la réussite, les biens matériels et qui met tout en œuvre pour y parvenir. Cette approche rend, dans la seconde partie, le personnage plutôt antipathique : on suit ses pérégrinations avec distance et peu d’émotion malgré l’excellente performance de Tahar Rahim, le plaisir de croiser des artistes qui appartiennent à la culture française tels qu’Edith Piaf, Gilbert Bécaud ou encore Johnny Hallyday et celui, bien évidemment, d’entendre certaines des chansons les plus connues de Charles Aznavour.

    Toujours à l’affiche

    Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde.jpg5 étoiles. « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde ». Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est agressé dans la rue. Une plainte est déposée. L’instruction de cette dernière va petit à petit faire passer Adi de victime à coupable aux yeux de ses parents qui n’acceptent pas son orientation sexuelle et d’une société, encore fortement imprégnée par la religion, qui privilégie la protection d’agresseurs dont le père a une situation influente dans la région.

    La Queer Palm de Cannes est un grand film non seulement d’un point de vue cinématographique (mise en scène subtile, photographie lumineuse en opposition à une histoire sombre, distribution convaincante), mais également par ce qu’il raconte : une homophobie étatique et religieuse qui fait des ravages dans le cercle familial. C’est poignant, parfois irrespirable malgré la beauté du lieu où se déroule l’action et très questionnant sur l’amour parental. Un film coup de poing que l’on n’oublie pas une fois le générique de fin terminé !

    Les Graines du figuier sauvage.jpg5 étoiles. « Les Graines du figuier sauvage ». Pour Iman, sa promotion en tant que juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran est l’aboutissement de 20 ans de carrière au service du régime. Il va enfin pouvoir améliorer le train de vie de sa femme et de ses deux filles, l’une adolescente, l’autre majeure. Mais à peine nommé, un immense mouvement de protestation secoue le pays. Dépassé par l’ampleur des événements, la justice devient expéditive au grand damne d’Iman qui décide malgré tout de s’y conformer. Chez lui, la révolution gronde également rendant Iman de plus en plus méfiant à l’égard de sa femme et de ses filles.

    Prix spécial du Jura au Festival de Cannes 2024, « Les Graines du figuier sauvage » mérite amplement cette récompense. Le film transpose de manière brillante, avec un seul (petit) bémol sur sa longueur (2h45), les affres du régime iranien au sein d’une famille confrontée à un mari et à un père qui se sentant menacé va reproduire auprès des siens les méthodes utilisées par la dictature auquel il s’est soumis.  Film hautement politique, incrusté de courtes séquences tournées avec des portables au moment des manifestations du mouvement « Femme, vie, liberté » à l’automne 2022, « Les Graines du figuier sauvage » entraîne l’audience dans une spirale infernale avec une dernière heure où la tension est à son comble grâce à une mise en scène formidablement anxiogène et une distribution parfaite.

    Quand vient l'automne.jpg4 étoiles. « Quand vient l’automne ». Michelle vit une retraire paisible dans une jolie maison de campagne située dans un petit village de Bourgogne. Sa meilleure amie, Marie-Claude, vit non loin d’elle. A la Toussaint, sa fille Valérie, avec laquelle elle entretient des relations tendues, vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour qu’il passe la semaine de vacances avec sa grand-mère qu’il adore. Mais le repas familial va déclencher des événements en cascade après que Valérie ait été empoisonnée par des champignons cueillis par sa mère…

    Comédie dramatique avec une intrigue policière secondaire mais qui en dit long sur les relations entre les personnages, « Quand vient l’automne » est avant tout un film qui, à l’image de son titre, se penche sur le passé qui peut resurgir n’importe quand et avoir des conséquences imprévisibles sur le présent et l’avenir. Magnifiquement photographié et mis en scène, le long-métrage manie avec sensibilité l’humour noir, l’ambiguïté ou encore l’amoralité. Porté par Hélène Vincent et Josiane Balasko qui font preuve d’une grande subtilité dans leur jeu, le film ravira celles et ceux qui aiment les histoires qui sèment le doute dans les esprits, tel un poison. 

    Speak No Evil.jpg4 étoiles. « Speak No Evil ». Les familles Dalton et Field se rencontrent en vacances en Italie. Les premiers ont une fille de 12 ans et les seconds un fils du même âge qui ne peut pas parler en raison d’une langue atrophiée. Bien que les Dalton soient du genre plutôt coincé et les Field tout le contraire, le courant passe entre eux. De retour en Angleterre, les Field proposent aux Dalton de venir passer un week-end dans leur propriété campagnarde. Ces derniers acceptent. Mais ce séjour qui s’annonçait idyllique va petit à petit se transformer en cauchemar.

    Qualifié de film d’horreur, « Speak No Evil » est avant tout d’un long-métrage au suspense haletant avec seulement deux brèves scènes un brin sanguinolente. A condition de mettre de côté les quelques invraisemblances d’un scénario au demeurant bien construit, « Speak No Evil » ravira le public qui aime ces films dans lequel une atmosphère de plus en plus irrespirable s’installe au fur et à mesure que l’action avance. A ce titre, les trente dernières minutes, tout en évitant l’exagération souvent inhérente à ce genre de film, sont d’une folle intensité avec de multiples rebondissements qui vous clouent sur votre siège.

    Le Comte de Monte-Cristo.jpg4 étoiles. « Le Comte de Monte-Cristo ». Marseille. 1815. Victime d’un complot dont la jalousie est le moteur, Edmond Dantès, 22 ans, est arrêté le jour de son mariage. Il est détenu dans d’horribles conditions au château d’If. Pendant son incarcération, il fait la connaissance de l’abbé Faria qui va lui révéler un secret qui lui permettra de devenir immensément riche après son évasion 14 ans plus tard. Sous l’identité du Comte de Monte-Cristo, il va alors patiemment élaborer un plan pour se venger des trois hommes qui l’ont trahi.

    Cette nouvelle adaptation du célèbre roman d’Alexandre Dumas ne lésine pas sur les moyens puisque le budget se monte à 43 millions d’euros. Et ça se voit : les décors, la plupart naturels, les costumes, le maquillage et la photographie sont un régal pour l’œil. Quant à la distribution, elle est excellente. Pierre Niney, particulièrement convaincant quand il endosse le rôle du Comte de Monte-Cristo, est entouré d’acteurs et d’actrices qui n’ont rien à lui envier. Quant au film en lui-même, on peut lui reprocher un manque d’émotions tant la machine est bien huilée. Mais pas de quoi bouter son plaisir. En effet, le long-métrage, c’est le cas de le dire mais les trois heures passent très vite grâce à de multiples rebondissements, met fort bien en valeur le génie romanesque d’Alexandre Dumas.

    Joker, Folie à Deux.jpg3 étoiles : « Joker : Folie à Deux ». Arrêté et interné dans une prison pour délinquants avec des problèmes psychiatriques après avoir commis cinq crimes sous les traits du Joker, Arthur Fleck est en attente de son procès. A quelques jours de celui-ci, il fait la connaissance de Harley Quinn dont il tombe follement amoureux. Partageant le même délire, d’où le titre du film « La Folie à Deux », ils vont s’échapper dans un monde parallèle, jusqu’à ce que la réalité les rattrape. Ou pas.

    Après l’énorme succès critique et public de « Joker » en 2019, cette suite, qui en est véritablement une puisqu’elle commence là où se terminait la première partie, était très attendue. Trop sans doute. Certes, le film n’est pas mauvais. Mais cette « Folie à Deux » ne décolle malheureusement jamais vraiment. La faute à des chansons, exceptées celles qui sont mises en scène façon music-hall et qui sont un plus pour l’intrigue, qui étirent inutilement un scénario qui aurait de toute façon mérité d’être resserré, mieux ciblé et faire preuve de plus de …folie. Le film garde toutefois un attrait certain grâce à la performance de Joachin Phoenix qui est toujours aussi génialement fou, une mise en scène au cordeau et une photographie, une lumière ainsi que des décors qui vous attirent malgré tout dans le monde barré du Joker.

    Le Fil.jpg3 étoiles. « Le Fil ». Depuis qu’il a fait innocenter un assassin récidiviste quinze ans auparavant, Maître Jean Monier ne défend plus des personnes accusées de meurtre. Pourtant, sa rencontre avec Nicolas Milik, père de famille soupçonné d’avoir tué sa femme, va lui faire changer d’avis. Convaincu de l’innocence de son client, il reprend le chemin des assises et est prêt à tout pour qu’au terme du procès Nicolas Milik soit libéré.

    Film de procès par excellence inspiré de faits réels, le film de et avec Daniel Auteuil vaut tout d’abord le détour pour la prestation de ses deux comédiens principaux, et tout particulièrement celle de Gregory Gadebois qui joue tout en retenue le rôle du présumé meurtrier. Leur performance ne suffit cependant pas toujours à faire oublier une certaine lenteur qui se dégage d’un film tourné à l’ancienne. On l’aurait souhaité plus tendu, à l’image de l’excellent « Le procès Goldman » de Cédric Kahn projeté sur les écrans l’année dernière. Malgré cette critique, « Le Fil » ne manque toutefois pas d’intérêt car il questionne l’intime conviction de l’avocat et la manière de la renforcer. Quitte à se tromper ?

    L'amour ouf.jpg2 étoiles. « L’amour ouf ». Jackie et Clotaire vivent dans le nord de la France dans les années 80. Elle est une brillante étudiante qui vit seule avec son père, sa mère étant décédée. Il est issu d’une famille d’ouvriers et a beaucoup de peine à respecter les règles malgré les corrections qu’il reçoit de son paternel. Il passe ses journées à traîner et multiplie avec son frère et son meilleur ami les larcins. Mais quand les destins de Jackie et Clotaire se croisent, c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer, mais l’amour n’est-il pas plus fort que tout ?

    Les deux points forts de « L’amour ouf » sont sa bande originale et ses interprètes. A ce titre, le couple formé de Clotaire (Malik Frikah jeune et François Civil adulte) et Jackie (Mallory Wanecque jeune et Adèle Exarchopoulos adulte) crève l’écran. Sans eux et quelques excellents seconds rôles (Alain Chabat, Vincent Lacoste et Elodie Bouchez, notamment), le film serait proche de la mièvrerie malgré des scènes violentes et d’autres touchantes en raison d’un scénario qui en rajoute sans cesse et tire par conséquent en longueur (2h40 !). Il en est de même avec la façon de filmer de Gilles Lellouche qui en se voulant trop démonstrative finit par lasser. En résumé, pas ouf.

    Emilia Perez.jpg2 étoiles. « Emilia Perez ». Rita est une avocate douée. Elle travaille au service d’un cabinet qui non seulement ne reconnaît pas ses qualités, mais qui en plus défend des criminels plutôt que de servir la justice. Mais un jour, le chef d’un dangereux cartel fait appel à elle afin qu’elle l’aide à se retirer des affaires et à disparaître afin qu’il puisse réaliser le rêve qu’il caresse depuis des années : devenir une femme.

    Prix du jury au Festival de Cannes 2024, Prix d’interprétation féminine remis aux quatre comédiennes principales du film et encensé par une large partie de la critique, « Emilia Perez » est un film déroutant aussi bien du point de vue de sa forme que de son fond. En effet, l’histoire est régulièrement entrecoupée de scènes de comédie musicale clinquantes et plus ou moins réussies (si les chorégraphies sont globalement splendides, certaines voix laissent à désirer) qui accentuent le côté bien peu réaliste du scénario. On a vraiment peine à croire que ce très méchant chef de cartel devienne tout à coup suite à sa transition un ange, ou presque. Pour apprécier le film, au demeurant d’une grande maîtrise technique et fort bien joué, mieux vaut donc croire aux contes de fées qui ne finissent toutefois pas forcément bien.   

    5 étoiles : à voir absolument, 4 étoiles : chaudement recommandé, 3 étoiles : ça vaut la peine, 2 étoiles : pas indispensable, 1 étoile : il y a mieux à faire, 0 étoile : à éviter